En juillet 2019, pour le projet Parade Cameroon, la CDA bénéficie du soutien du Programme PISCCA (projets innovants de la société civile et des coalitions d’acteurs), du Service de coopération et d’action culturelle de l’Ambassade de France au Cameroun au côté de six autres organisations de la société civile Camerounaise : Unité agropastorale du Cameroun (Unipac), Association camerounaise pour le développement durable et l’innovation (Acddi), Association pour le développement intégré et la solidarité interactive, Association des réalisateurs documentaristes camerounais (Ardc), Centre des ressources forestières et de formation continue, antenne Nord (Ceraf-Nord).
Reparti sur neuf(9) activités, Parade Cameroon est un projet pour l’autonomisation des déplacés internes et des refugiés au Cameroun. Dans sa première phase (juin 2019-janvier 2020), il vise premièrement à contribuer à l’inclusion et au renforcement des capacités des déplacés d’expression anglaise résidant dans quatre quartiers (sites) de la ville de Dschang : Siteu (1), Paid-ground (2), Foto (3) et Foréké (4). Ensuite, il s’inscrit dans la promotion de l’insertion socio-économique des jeunes filles anglophones avec un impact favorable sur la gestion de l’environnement, notamment des déchets et ordures. Dans sa seconde phase, il compte s’étendre au-delà de la ville de Dschang pour cibler d’autres zones d’accueil des déplacés internes et refugiés, peu importe leur origine et leur appartenance.
La « crise anglophone » dans le Nord-Ouest et le Sud-Ouest du Cameroun entraine avec elle plusieurs incidences territoriales, notamment le déplacement des populations de ces régions vers le Littoral, le Centre et l’Ouest-Cameroun en quête de paix, de stabilité et d’intégration socio-professionnelle. Depuis 2017, l’on note une nette augmentation des populations d’expression anglaise recherchant refuge dans les quartiers de la commune de Dschang. Plusieurs groupes de déplacés sont identifiés : les élèves en quête de scolarisation, les non-scolarisés en quête d’insertion socio-professionnelle, les mères d’enfants et quelques professionnels en quête d’abri et de réintégration.
Un rapport d’étude sur le déplacement des populations « anglophones » dans la ville de Dschang Enquête sur le déplacement des refugiés : contraintes de déplacement (2019) menée par Babia Ganke Prudence, spécialiste de la santé, dresse un bilan inquiétant. Sur près de 800 déplacés d’expression anglaise recensés, 66% de déplacés sont de la gente féminine (femmes et jeunes filles) et 34% de déplacés sont des hommes et jeunes garçons. Les couches les plus vulnérables sont les jeunes de 15 à 35 ans, les enfants et les mamans ; les hommes étant retenus dans les zones de conflit pour être embarqués dans le conflit armé, les travaux forcés ou champêtres. Au cœur de cette cible, il y a les jeunes filles désœuvrées et sans espoir qui se livrent à la prostitution dans leur ville d’accueil et à toute sorte d’activité dépravante, rendant leur taux d’avortement élevé.
Ainsi, la prostitution est devenue le métier numéro 1 de ces populations déplacées et désœuvrées, en dehors de celui de moto-taxi ou du commerce de vivres frais. Une fois ces populations en terre d’accueil, elles font face à plusieurs défis, précise le rapport d’étude : le logement (27%), les moyens financiers (25%), l’alimentation (24%), la langue (13%), l’environnement (climat-relief) (8%), autres [maladies, scolarisation des enfants] (3%). D’où la question de l’autonomisation des déplacés, notamment l’insertion socio-économique des jeunes filles et l’autonomisation des mamans pour l’acceptation du vivre-ensemble, l’acceptation de la langue française comme langue d’intégration pour leurs enfants qui ne peuvent pas aller à l’école sans leur autorisation. Une descente sur le terrain dans certains établissements scolaires de la ville de Dschang signale une saturation des sections anglophones, suite à cet exode. Par ailleurs, les quelques hommes qui ont pu échapper au conflit et qui ont la possibilité de réinvestir dans des secteurs d’activité, ont besoin d’être éduqués et accompagnés dans l’exercice de leurs droits fondamentaux, notamment le droit de travailler ou d’entreprendre.
Comment redonner de l’espoir à ces jeunes filles « anglophones » en quête d’intégration et sans emploi livrés à la prostitution ? Comment porter du sourire aux lèvres de ces mamans qui ont vécu le traumatisme du conflit armé et de la séparation afin qu’elles permettent, librement, à leurs enfants non-scolarisés d’apprendre et de rejoindre les bancs dans leur ville d’accueil ? La question de l’autonomisation a pour corollaire celle de l’intégration socio-professionnelle des populations déplacées.
Le projet PARADE est le tout premier projet d’autonomisation des populations déplacées au sujet de la crise anglophone qui associe le triptyque formation-entreprenariat-débat public avec une forte ponctuation sur la jeune fille anglophone. La CDA est l’unique organisation de la société civile camerounaise dont l’éducation au débat structuré et à l’art oratoire constituent une priorité. Le projet vise à contribuer au dialogue inclusif sur la question de la crise, mais aussi et surtout d’insérer certains bénéficiaires du projet dans le circuit continental et mondial de l’association.
Par ailleurs, nous avons la capacité, avec le soutien de nos partenaires, d’offrir à ces jeunes déplacés talentueux l’opportunité de travailler ou poursuivre leurs études sous d’autres cieux. À cet effet, si pendant nos études de terrain nous identifions des jeunes étudiants/élèves anglophones talentueux, nous pourrions suivre leur dossier de participation aux compétitions panafricaines et mondiales d’art oratoire dans leur domaine. Cela permettra de raconter autrement la question des déplacements anglophones. Le projet pourra être repris ou dupliqué dans toutes les villes du Cameroun qui connaissent le revers de la crise. Par exemple, PARADE-Douala, PARADE-Yaoundé, etc.
Un autre élément sur lequel nous comptons nous démarquer est la production audio-visuelle les « success stories » de nos cibles, grâce à un de nos partenaires. La troisième innovation du projet concerne l’implication des jeunes scolarisés francophones dans la sensibilisation sur le vivre-ensemble. Voir des jeunes francophones qui se mobilisent pour le soutien des jeunes anglophones serait une grande leçon de vivre ensemble.
Enfin, nous ne nous contentons pas que former les bénéficiaires au développement local ou à l’entretien de l’environnement, nous voulons faire d’eux des entrepreneurs qui suscitent d’autres créateurs.
Oui ! Prioritairement destiné à la ville de Dschang, le projet PARADE cible aussi dans le moyen terme les zones environnantes comme Santchou, Penka-Michel, Mbouda, Bafoussam, Foumban…où de fortes communautés de populations anglophones déplacées sont recensées. L’initiative s’inscrit dans la durée, avec espérance de susciter de fonds pour la poursuite du projet à une échelle plus grande et englobante. L’un des aspects innovants du projet, le recrutement de 50 jeunes filles anglophones prostituées ou désœuvrées dans d’assainissement et le recyclage des ordures, permettra, au moyen terme, de travailler à la possibilité des emplois permanents auprès de la commune urbaine de Dschang.
Par ailleurs, nous souhaitons exploiter le documentaire audio-visuel du projet pour une campagne mondiale de crowfunding afin de soutenir nos jeunes porteurs de projets déplacées et les jeunes élèves/ étudiants déplacés. Ceux qui bénéficieront des formations sur le vivre-ensemble, pendant et après la crise, avec notre soutien, ils formeront les autres déplacés sur la question du retour et du vivre-ensemble. D’où l’initiative des focus groupe auprès des mères de familles déplacées, pour une réintégration post-crise. Pour plus d’impact et de mobilisation, leur réussite nous permettra de les positionner dans les fora nationaux et internationaux sur le français comme langue d’intégration, la paix, le dialogue ou l’entreprenariat féminin. Le projet est fortement orienté vers la mise sur pied d’un pôle d’ambassadeurs et ambassadrices du dialogue et du vivre-ensemble, une valeur cardinale de la Francophonie qui fait notre fierté.